Ascension du Mont Olympe.
Récit de Blaise Agresti.
Depuis 3 jours nous explorons les chemins de l’Olympe avec un groupe de dirigeants APM - Association Progrès du Management et du club des cosmiques Mountain Path
Chemin faisant nous découvrons les mille facettes d’un mont analogue qui façonne nos imaginaires depuis l’Antiquité… Itinérance éphémère et symbolique.
Éloge de la lenteur.
A l’aube, depuis le refuge Petrostrouga, le groupe prend son rythme. A petits pas. Le sommet est encore loin, la journée sera longue. Après quelques minutes, un arbre se découpe dans la lueur naissante du jour. Derrière au loin, nous distinguons le mont Athos. Mes pensées vont vers nos amis disparus. Étonnamment apaisées. La forêt nous engloutit et nous passons au pied de ces pins blancs des Balkans, présents ici depuis des millénaires et qui nous relient aux origines de la Terre. Nous avançons bien. Le sommet n’est pas encore dans nos esprits.
Le trône de Zeus, une quête impossible.
Depuis le plateau des Muses, Stefani (la couronne ou trône de Zeus), masque le sommet principal, Mythicas, qui culmine à 2918 mètres. L’Olympe a été gravi pour la première fois en 1913 par le suisse Frédéric Boissonnas guidé par le chasseur de chamois Kakkalos. Une ascension bien tardive qui vient mettre un terme à la conquête des montagnes d’Europe débutée en 1786 au Mont Blanc. Une ascension tardive aussi en raison de la puissance symbolique du lieu, de la Mythologie qui a pris possession de cette montagne verticale et complexe et qui a empêché les humains d’imaginer la gravir.
Il faut donc gravir l’Olympe une fois dans sa vie si l’on veut comprendre la géologie des mythes, la manière dont la forme d’une montagne, sa nature minérale, les vents, les nuages et les tempêtes peuvent façonner un imaginaire tumultueux.
Il faut gravir l’Olympe pour mesurer la verticale des parois, la profondeur des abysses et la puissance des turbulences qui envahissent nos esprits et bâtissent les mythes grecs.
Entre ciel et terre, l’Olympe dessine ainsi un territoire d’inspiration où les forces telluriques replacent les hommes à leur juste place. Éphémère et vulnérable.
Itinérance lumineuse.
Atteindre le sommet de l’Olympe, c’est partager l’amitié de la cordée et savourer cet horizon lumineux qui nous entoure.
Atteindre le sommet de l’Olympe, c’est aussi mesurer le temps long de l’histoire et inscrire nos pas dans les temps emmêlés de la Terre et du Ciel et se souvenir que Gaïa (la Terre), a engendré un être égal à elle-même capable de la couvrir toute entière, Ouranos (le Ciel Étoilé).
Atteindre le sommet de l’Olympe, c’est accepter de redescendre vers le refuge parmi les Hommes pour célébrer et communier avec Dyonisos, le dieu du vin.
Puis, emplis de sagesse et de joie, se tourner vers la mer et redescendre de la montagne sacrée.
En quête de l'esprit d'Alexandre le Grand, petites leçons d'une ascension.
“Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote” (Charles de Gaulle, vers l'armée de métier). Cette phrase a bercé ma scolarité à Saint-Cyr. Alexandre le Grand a grandi ici, en Thessalie, au pied de l’Olympe. Après le sommet, nourris de ces beautés telluriques et de tant de questions, notre groupe revient aux sources de la civilisation grecque avec la visite du tombeau de Philippe II de Macédoine. Cette tombe royale de Vergina, découverte inviolée en 1977, est un des plus beaux sites de Grèce. Elle a été érigée par Alexandre le Grand, pour honorer son père mort en d'étranges circonstances, avant de partir lui-même à la conquête du monde inconnu.
En croisant ces deux expériences fondamentales, gravir l’Olympe et recevoir la beauté grecque en héritage, nous mesurons peut-être ce qui a permis à Alexandre le Grand d’aller si loin jusqu’aux confins de l’Indus :
1- Économiser ses forces
Pour atteindre un sommet, il faut savoir partir doucement et économiser ses forces. Se lever tôt pour ouvrir le rapport au temps et prendre ce rythme métronomique qui implacablement nous fait avancer. Etre attentif à ne pas trop charger le sac de choses inutiles. Nous trouvons ici les éléments de la frugalité qui devraient guider les modèles économiques du futur.
2- Concentrer ses efforts
Pour atteindre le sommet, il faut concentrer les efforts psychologiques et physiques de chacun pour créer un momentum favorable qui fait converger les énergies vers la réussite collective par l’entraide. Cette montée en intensité morale fonde le désir de se dépasser. C’est l’expression d’une intention, d’une détermination collective.
3- Liberté d’action
Pour atteindre le sommet, nous devons distribuer notre leadership, en constituant des cordées autonomes et en étant vigilant à la sécurité. Cela se traduit par la clarté de la communication, les briefings et les débriefings et une forme de mentorat dans l’action. Chaque cordée est supervisée et synchronisée. Cet art de la distribution du leadership est la seule manière de libérer le potentiel du groupe.
4- S’entourer
De “satrapes” locaux pour insérer son action dans la culture et les traditions locales, comprendre les singularités, appréhender la richesse des lieux et des opportunités (merci Nektarios et Nikos).
Et je ne peux m’empêcher de penser que ces principes décrits par le maréchal Foch ont aussi guidé les pas d’Alexandre. Ils constituent un cadre à l’action et pourraient beaucoup inspirer l’action politique et managériale.