Un hommage aux montagnardes.
La semaine dernière, le formidable documentaire de France Télévisions “La Grande Saga de nos montagnes” révélait les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles vivaient les montagnards français jusqu’à la seconde guerre mondiale : “En autarcie, privés de confort et de toute forme de modernité. La montagne est alors un espace où priment le travail et la pénibilité, où tous les aspects de la vie sont rythmés par le climat.” Dans cet univers ardu et éprouvant, les femmes sont particulièrement vulnérables et exposées. Pendant que les hommes travaillent aux champs ou à la ville, elles gèrent l'habitation, les enfants, les animaux, réalisent les travaux quotidiens de la ferme et doivent bien souvent travailler pour compléter des ressources très difficiles à gagner. Leur plus grande crainte est de tomber malade : un simple coup de froid attrapé en plongeant les mains dans l’eau glacée –au sens propre– du lavoir peut s’avérer fatal. Les femmes meurent jeunes, très jeunes et bien qu’elles soient souvent l’épine dorsale de leur famille et communauté, la montagne reste un territoire d’hommes.
La modernisation qui s’opère après la guerre, notamment sous l’impulsion du tourisme blanc, va contribuer à féminiser la montagne. Tout d’abord, c’est souvent par les femmes que le progrès va s’accomplir : ce sont elles qui feront installer l’eau courante ou les sanitaires. Les opportunités économiques offertes par les nouvelles stations (services hôteliers, remontées,…) vont aussi contribuer à les libérer.
Les montagnardes vont également suivre l’exemple de femmes audacieuses, qui osent défier les hommes sur un terrain de jeu qu’ils considèrent comme exclusivement masculin.
Il y a eu bien évidemment les pionnières des siècles derniers : Marie Paradis « cette robuste villageoise » qui fût en 1808 –un peu malgré elle– la première femme au sommet du Mont Blanc, Henriette d’Angeville, l’élégante “fiancée du Mont Blanc”, Lucy Walker, la première femme à gravir le Cervin en 1871 ou Isabella Charlet-Straton qui a donné son nom à la pointe éponyme.
En 1910, Marie Marvingt, aventurière, aviatrice et féministe affirmée, défie les préjugés des hommes en décidant de skier en “culotte étroite”, dénonçant ainsi les discriminations vestimentaires qui règnent dans le domaine des loisirs. Dans ses traces, de nombreuses figures féminines vont contribuer à l’histoire de la montagne tout au long du 20ème siècle :
Des championnes telles que les soeur Goitschel ou Perrine Pelen, triples championnes olympiques, Carole Merle, la skieuse française la plus titrée de l'histoire en coupe du monde de ski avec 22 victoires et 6 globes de cristal et la regrettée Karine Ruby qui avait remporté 6 médailles d’or aux championnats du monde de snowboard et 19 globes de cristal !
Des alpinistes comme Christine Janin, première française au sommet de l’Everest en 1990 ou Catherine Destivelle, sans doute l’une des plus grandes grimpeuses de tous les temps.
Des exploratrices comme Laurence de la Ferrière qui réalise durant l’été austral 1996-1997, la première traversée française en solitaire du continent Antarctique jusqu'au pôle Sud et devient ainsi la première et seule femme a avoir traversé l'Antarctique en intégrale et en solitaire.
Le dernier “bastion masculin” tombe en 1983 lorsque Martine Rolland devient, à 30 ans la première femme guide de haute montagne d’Europe, suivie par Sylviane Tavernier qui intègre la Compagnie des Guides de Chamonix en 1987: «Il a fallu que je sois discrète tout en montrant ce que je savais faire.» Aujourd’hui, la Compagnie compte 160 guides de haute montagne et 60 accompagnateurs en montagne. Si les femmes sont majoritaires chez les accompagnateurs, elles sont encore minoritaires chez les guides. Mais, les choses évoluent comme le dit Sylviane avec beaucoup de bon sens : « En haut, je suis comme eux, j'ai des vies au bout de mes bras »
Depuis l’aube des temps, les montagnardes ont joué un rôle essentiel dans les vallées et ont démontré plus récemment qu’elles étaient l’égal des hommes au sommet. Alors que nous célébrons le 8 mars la journée internationale de la femme, Mountain Path voulait rendre un hommage chaleureux à toutes celles, anonymes ou célèbres, qui ont façonné les modes de vie et l’histoire de nos montagnes.
N’oublions pas qu’en fin de compte, LA montagne a toujours été féminine...